Il y a quelques jours voilà un terme que je ne connaissais
pas du tout, pacer.
La traduction littérale est « meneur de d’allure, de
train »
Ce week end, mon chéri était engagé sur l’échappée belle, un
ultra trail qui effectue la traversée du massif de Belledonne.
Un ultra réputé comme un des plus durs, pour comparaison, l’UTMB,
l’ultra le plus connu, fait 25km de plus, et l’ancien record établi sur l’échappée
belle était de 8h de plus que le record sur l’UTMB (après la performance de la
machine Francois D’Haene ce week end, le nouveau record est encore de 5h de
plus…)
Cet ultra mon chéri ne l’avait pas vraiment préparé, il
savait donc que cela allait être compliqué, en plus tous les ans, il y a moins
d’un participant sur 2 qui devient finisher sur cette course.
Il allait donc falloir être fort mentalement, en plus de se
dépasser physiquement.
C’est là que petit à petit avec les copains l’idée à germer :
on allait l’accompagner sur une bonne partie du parcours, comme ça il ne serait
pas tout seul, on pourrait l’assister, l’accompagner, le surveiller, l’aider
dans les coups de mou, …
On ne savait pas bien dans quoi on s’embarquait, s’il allait
courir les 54h autorisées pour rallier l’arrivée ou s’il jetterait l’éponge au
bout de 12h, mais on a voulu être là pour le faire aller le plus loin possible.
Pendant que je bossais vendredi après-midi, un premier
copain, Paulo, est allé le récupéré au milieu de la montagne, entre 2 refuges,
il l’a accompagné ainsi de 16h à 21h30.
Puis après avoir récupéré les enfants au centre, les déposer
chez mamie, être allée jusqu’à Grenoble puis avoir fait une sieste de 1h30, me
voilà partie à 1h du matin pour rallier la base vie du Pleynet, où l’arrivée de
mon chéri est prévu à 2h20 du matin (pour la petite histoire, le premier est
passé à ce point à 16h l’après midi…)
Je vous laisse lire les messages quelques minutes avant d’arriver…Ca
met direct dans l’ambiance.
Il vient de faire 63km, il en reste encore 85…Le plus dur
est à venir, je me demande s'il s'en rend compte. A ce moment-là chacun se dit un peu qu’on ne verra pas l’arrivée…
Il restait 1h20 avant la barrière horaire, du coup pas trop
de temps à perdre. Au Pleynet on pouvait manger un repas complet, prendre une
douche, dormir…
Pour nous rien de tout ça, Nico s’accorde une petite sieste
de 10 minutes sur un banc, pendant que je remplis ces flasques, que je change
ces affaires de rechange, que je réorganise son sac avec tout ce qu’il veut, …
Une soupe et il décide de repartir malgré la fatigue. Il me
glisse quand même qu’il repart parce que je suis venue et pour me faire
plaisir. Je lui rétorque que c’est lui qui décide, que je suis contente de
partir avec lui, mais que l’on peut aussi bien aller se coucher s’il veut, je
ne lui en voudrais pas.
On repart à 3h15 du matin débute pour moi l’aventure
échappée belle, à la lueur de nos frontales.
On commence par descendre, ça va, le moral est reparti. J’ai
le temps de lui raconter ma journée, comment vont les enfants, les petits mots
mignons qu’ils m’ont dit avant de partir…
La montée suivante dans les bois affecte le moral, c’est
monotone, on monte 800m en un peu moins de 3 km.
Un premier dodo s’impose, il s’allonge le long du chemin
très étroit sur un tout petit bout de plat qui était là. Je le couvre de ma
doudoune, « 10 minutes pas plus » me dit il…
Ca caille la nuit en montagne, je suis contente de retrouver
ma doudoune et de repartir, la montée ca réchauffe.
Le moral va et vient chez mon champion. Il n’a pas faim, il
n’a pas faim depuis des heures, j’essaie de lui proposer des choses
régulièrement. Il accepte quelques dragibus…
Il fait nuit, donc pas très chaud,
j’essaie aussi de lui rappeler qu’il faut qu’il boive un peu…
Le jour pointe son nez, par chance nous sommes arrivés au
sommet, c’est beau là-haut, rien que pour ça je ne regrette déjà plus de m’être
levée et d’avoir passé cette nuit dehors, tant pis s’il ne finit pas, c’est
déjà dingue d’être arrivé jusque-là.
Un petit massage, remplissage de toutes les flasques et
autre, quelques bouchées avalées au ravito et je laisse repartir les 2 garçons.
On se donne rendez-vous à 18h au plus tard (heure de la
barrière horaire) à Super Collet.
Je récupère donc la voiture laissée par Guillaume et je vais
m’installer à proximité, il est presque midi déjà. J’avale quelques pates, et
je m’allonge dans la voiture, sièges arrières repliés, à moitié dans le coffre,
j’ai quelques heures de sommeil à récupérer.
Je dors forcément par intermittence, on échange des textos
avec Guillaume pour prendre des nouvelles du champion…Il avance, mais pas
toujours très vite, ils ont fait une sieste de 15minutes…
De mon côté je suis encore bien épuisée, je ne me sens pas
trop de repartir là avec lui…
Très vite l’ombre de la barrière horaire nous rattrape…Et s’il
n’arrivait pas avant 18h ?
Je m’organise : je récupère son sac d’allègement, je
prépare les affaires qu’il a demandé (avec transmission de la commande par
Guillaume), et je patiente…
Je trépigne, les yeux rivés sur le chemin par lequel ils
arrivent espérant les voir apparaitre. 17h personne, 17h30, toujours personne…
17h43 les voilà enfin. C’est juste, juste…La barrière
horaire vient d’être déplacée de 15minutes. Ça lui laisse le temps d’aller voir
les masseurs pendant que je me charge de la logistique de changement d’affaire,
remplissage de gourde, etc…je commence à être rodée !
18h14, on passe la porte, une minute avant l’heure limite,
et on s’installe 100m plus loin pour finir la soupe et les bananes prises au
ravitaillement.
Un bisou, et c’est reparti.
On a décidé un peu avant que Guillaume continuerait la route
avec lui, jusqu’au prochain point de passage prévu à 2h du matin…
Ca me laisse le temps de rentrer récupérer Amélie, la 4ème
dingue embarquée dans cette histoire. Amélie a bossé tout samedi et bosse
dimanche à partir de 9h du matin. Mais elle tient à faire un bout de parcours
avec lui.
J’en profite pour une douche, aller chercher les sodas
commandés par Nico, et on part se reposer dans le van des copains à Val
Pelouse, endroit on l’on reprendra la route avec lui.
Toujours pareil, le sommeil est haché. Dans la nuit la
prévision de son heure d’arrivée change, 1h00 du matin, tant mieux ca lui
laissera plus de temps pour se reposer…
On se prépare donc un peu plus tot que prévu avec Amélie et
on se tient prête à 1h…
J’imagine que vous le voyez venir, comme pour le point
précédent on ne quitte pas des yeux le chemin d’accès.
« - Tu crois que c’est eux ?
- Non y’a qu’une frontale
- Et la non ?
- Ah ben non le 2ème a pas de batons
- Et là c’est eux regarde ?
- Je crois pas il est pas si grand/gros/... »
-
Ils arriveront finalement à 1h30 au ravitaillement, il
doit impérativement en repartir avant 2h pour ne pas être mis hors course.
Il file se coucher sur un lit de camp, « 15minutes et
tu me réveilles »…
Pendant ce temps, remplissage des gourdes, et on remplit nos
poches de quelques bouts de pommes et bananes qui semblent lui faire envie.
On repart à 2h00 pile sur la limite, il ne va pas falloir traîner si on veut passer la prochaine qui est à 8h du matin.
Forcément une 2ème nuit dehors ce n’est pas
facile. On discute avec Amélie pour qu’il nous écoute et reste bien éveillé, on
lui propose à manger toutes les 30 minutes comme il nous a demandé de le faire.
Il demande à s’arrêter, il ressent le besoin de dormir
encore 10 minutes. On quitte chacune notre doudoune, il s’allonge en sandwichs
entre nos vestes. On s’assoit l’une contre l’autre avec Amélie pour ne pas
finir frigorifiées, on coupe les frontales et on profite du silence et des
étoiles.
Des coureurs nous doublent, ils nous disent qu’ils le
trouvent bien confiant de dormir alors que la barrière horaire est limite…
Heureusement toutes les petites siestes lui redonne du boost
et on repart de plus belle.
Ca commence à être dur même pour moi…Faut dire que je n’ai
pas la préparation pour un ultra :D
Vers 6h30, Amélie nous laisse pour aller au boulot.
Nous on continue notre bout de chemin. Toutes les
difficultés techniques sont passés, il ne reste plus qu’à avaler les derniers
kilomètres. On sent bien que si on rentre dans les barrières horaires, on ira
sonner la cloche à l’arrivée…
7h24 arrivée au Pontet…Il pose son sac pour que je m’en
occupe et file chercher un lit - il
repère de la pastèque au ravito et me demande d’en emporter…C’est toujours
tellement étrange ces envies de coureur sur les longues distances –
Un bénévole m’interpelle « Attention à la barrière
horaire, vous devez être reparti avant 8h »
7h37 je le réveille – 7h40 on quitte Le Pontet.
Il reste 4km
de montée, 1km de plat et 9 de descente. Mon chéri s’inquiète : « 14km
en 4h, ce n’est pas assez, la barrière est trop courte je ne vais pas y arriver ».
Je le secoue un peu, « Allez 14km ce n’est même pas l’aller-retour
à la chapelle, ca va le faire, s’ils ont prévu 4h c’est que c’est jouable, on y
va, tu baisses pas les bras maintenant, ca fait 50h que tu y es, on est plus à
4h près… »
Qu’est ce que j’ai pas dit…
La montée démarre, très vite il accélère, toujours l’ombre
de la barrière horaire en tête. Moi je me retrouve bloquée derrière un autre
coureur, je le vois donc s’éloigner, me disant que vu que sur la dernière
portion il n’arrivait plus à courir en descente, donc je le rattraperai bien…
Avant le haut de la côte je ne le vois plus…
Le plat attaque. Je me mets à courir…Je double 1, 2 , 5, 10
coureurs pas de chéri. Je commence à demander aux coureurs « Est-ce qu’il
y a un mec avec un tshirt rouge et un short violet qui vous a doublé »
Toujours la même réponse « Oui mais c’était à un
moment, et il envoyait pas mal »
Je continue de courir, me disant que je le rattraperais s’il
a un coup de mou. Doucement je me fais à l’idée qu’il va finir sans moi. L’important
c’est qu’il finisse même si je suis un peu décue de ne pas être là à l’arrivée.
Comme ça fait un moment que je suis dehors aussi je finis
par fatiguer, je ralentis le rythme…Je guette régulièrement mon appli pour voir
s’il est arrivé…
Les gens me félicitent et m’encouragent, je les remercie, j’ai
plus la force d’expliquer à chacun que je n’ai pas fait toute la course.
Mon chéri boucle donc son échappée belle (149km et 11219 D+
selon le livetrail) en 52h00 et 35 secondes, seul, mais heureux !
Quand j’arriverai quelques minutes après il aura déjà bu sa
bière et quitté ces chaussures.
C’était une vraie aventure, un peu folle, mais tellement
exceptionnelle.
J’ai vraiment adoré être sur la course, ressentir l’ambiance,
partager ces moments avec mon homme et les copains.
Alors oui ce matin j’ai mal aux jambes de ces 48 km et 13h30
passés en 2 nuits dans la montagne avec lui, mais qu’est-ce que c’était bien,
je suis même prête à y retourner avec lui, ca tombe bien je crois, parce qu’à
peine arrivé il me disait déjà « J’irai bien essayer un autre ultra
maintenant, pour pouvoir comparer la difficulté… »
Un grand merci aux copains pacer qui se sont relayés, qui nous ont hébergés, prêté les voitures et qui ont si bien soutenu Nico, merci de l'avoir suivi dans cette folle aventure, heureusement que vous étiez là !
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